"Enrouler les fils de soie, dérouler les fils de soie, étirer les fils de soie" sont des expressions utilisées dans la littérature et la pratique du Taichi Chuan et du Qi Gong ... Qu’est ce que cela pourrait bien signifier ? Scoop : notre squelette "flotte" dans un immense filet dont l’organisation, en termes d’équilibre des tensions (tenségrité), nous laisse pantois. Les mailles de ce filet sont constituées de fibres gélatineuses à forte teneur en eau (fascias), qui s’immiscent dans les moindres interstices pour fluidifier les liens que notre ossature entretient avec nos muscles, nerfs, vaisseaux, organes, peau etc ... Rien n’échappe à la présence tentaculaire de ces innombrables filaments (comme de la soie ?) qui tissent une toile continue qui va de la texture la plus délicate à la plus compacte [1]. Huang 肓 est l’idéogramme qui semble le plus utilisé dans les arts internes pour désigner cette "toile" ainsi que tous les interstices permettant les glissements. Voici les traductions données par le dictionnaire RICCI (Chinois - Français). Jin Mo 筋膜 est une autre expression que l’on retrouve sur les manuels d’apprentissage des fascias en chine. In fine, l’expression Huang Mo 肓膜 semble la plus complète. On la retrouve dans le chapitre 43 du Suwen livre qui fait toujours référence en médecine chinoise [2]. Depuis un certain temps on assiste à une association de sens entre Huang et fascias [3]. Si cette information venait à être confirmée par l’expérience alors nous serions bien obligé de constater que la médecine chinoise y voit depuis longtemps une organisation tissulaire conductrice d’énergie défensive. Elle va jusqu’à considèrer une possibilité d’amélioration des désordres chroniques en associant à une médication la stimulation de certains points d’acupuncture qui résonnent avec les zones mobilisées avec attention dans les niveaux internes du Taichi Chuan (entre les omoplates, bas du dos, zone du centre etc ...). Sans nommer ces points, il suffit de se reporter aux10 principes du Taichi Chuan. La notion paradoxale de Songtrouve dans ces recherches un écho rationnel : "ouvrir les barrières" par une suspension du sommet de la tête tout en relâchant les tensions inutiles. L’immense toile "fascia" retrouve alors une part de sa plasticité et de sa visco-élasticité originelle, améliorant ainsi son rôle d’amortisseur et de fluidification du mouvement. Finalement, malgré l’enthousiasme des écrits récents, on ne sait toujours pas s’il y a un lien entre l’image du "fil de soie" et le fascia [4]. Cette représentation poétique nous évite les plongées en apnée dans les dictionnaires musculo-tendineux et c’est tant mieux ! Quoi qu’il en soit, si ce domaine est nouveau pour vous, vous ne perdrez pas votre tempsen regardant cette émission sur Arte
1. Diaphragme (qui sépare la poitrine de l’abdomen).
2. Tissus internes de protection, naissant autour du nombril et se développant sous le cœur.
3. Souffrance terrible ; mal incurable.
Jin 筋 signifie muscles/tendons ainsi que la projection de la force du mouvement dans la masse des chairs.
Mo 膜 signifie tissus organiques, membranes, aponévroses, fascias, pellicule fine.
[1] Fascia s’écrit soit au singulier soit au pluriel. Suivant le contexte, on peut considérer qu’il n’y a qu’un seul fascia (système fascial) qui irrigue tous les interstices, ou alors considérer différents types de facias pour un exposé particulier (fascia thoraco-lombaire ou fascias péritonéaux par exemple). [2] L’énergie défensive est un souffle vaillant issu de l’alimentation (liquides et céréales). Ce souffle est si vif qu’il ne peut circuler uniquement le long des méridiens. C’est pourquoi il chemine dans les couches de la peau, aux endroits où les chairs se séparent, imprégnant comme un brouillard tous les tissus (Huang Mo 肓膜) se diffusant à la poitrine et au ventre. SUWEN 43. [3] On trouve également des textes qui mettent en relation fascias / méridiens tendino-musculaires ou fascias / fonction de triple-réchauffeur (fonction sans forme) ou encore une association fascias/tendino-musculaires/triple-réchauffeur/membranes. Ce champ d’étude est relativement nouveau et le contour de ces notions relativement flou par nature. [4] D’autres interprétations suggèrent que l’image de dérouler le fil de soie est simplement liée au fait de "dérouler" le mouvement de la forme sans interruption et en douceur comme on le ferait avec le fil d’un cocon de vers à soie ... ou encore que l’on part d’un cocon rigide pour le transformer en un tissu souple et soyeux par une action patiente et attentive.
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