Méditations

"Sur des nuages attelés à des dragons volants, voyager au delà des quatre mers."
Zhuang Zi chap.1

Méditer ?

Méditation est un mot valise qui revêt une multitude de significations et qui se savoure à toutes les sauces. Méditation taoïste, vipassana, mantrique, tantrique, maya, métaphysique, transcendantale, Soufies, Zen, pleine conscience, MBSR, MBCT ... Mais de quoi parle-t-on ?

J’expose ici une méditation que j’appelle "taoïste" [1] telle que je pense l’avoir comprise en suivant les conseils que j’ai reçu tout au long de ma formation, telle que je l’ai explorée ensuite et telle que je la pratique aujourd’hui. [2]

Transmission

La méditation est une expérience vécue non transmissible. Elle est, d’une certaine manière, l’aboutissement d’un cheminement effectué en amont par un raffinement de la qualité de présence (Qi Gong ou encore mieux, Taichi Chuan et probablement certaines formes de Yoga mais je suis ignorant dans ce domaine).

Débutant sans expérience

"Assis-calme" (Jing Zuo 靜坐) [3]. C’est comme cela que l’on commence la méditation. Trouver la posture correcte et maintenir cette posture l’esprit calme. Pas de théorie, pas de visualisation, pas de technique respiratoire, juste du silence. S’y exercer un certain temps afin d’acquérir un confort dans l’assise jusqu’à constater un réel apaisement mental.

Notez ici que le calme du mental est impossible à évaluer soi-même (même en toute bonne foi). C’est pour cette raison que la méditation ne peut être qu’un complément à une activité où le calme du mental sera mis à l’épreuve et testé comme dans le Taichi Chuan. Le Yi - 意, qualité claire et stable de l’attention, sera "musclé" par la pratique des niveaux internes de la forme. Le Wu Wei - 無為, sans interférence, sera sollicité avec la poussée des mains libres (donc après la poussée des mains codifiées).

Débutant expérimenté

Avec quelques conseils et un peu d’expérience, "assis-calme" va peu à peu donner accès à la possibilité de méditation car, avouons le, méditer est un état qui échappe à notre volonté. C’est comme être amoureux, en bonne santé ou rêver ... Nous pouvons créer les conditions pour, avoir l’intention de, mais sans garantie de résultat. C’est ainsi.

Lorsque, en position assise, le calme mental devient un état avec lequel on a quelques affinités, il peut s’ensuivre un raffinement de la perception [4] qui donne accès à des rythmes internes clairement identifiables [5]. Cette phase s’appelle "se rapprocher de l’origine des manifestations" [6] et l’être méditant n’est plus que vagues sans forme [7].

Séances méditation

Pour les raisons que je viens d’évoquer, l’association Taiji ne propose pas de cours de méditation mais quelques séances par an réservées aux adhérents qui s’exercent à travers le Qi Gong ou le Taichi Chuan. L’objectif est de présenter la méditation sous son aspect le plus simple (simplicité ne signifie pas facilité, bien au contraire). Il faudra donc avancer progressivement de façon autonome ou en venant aux séances qui ont l’avantage d’imposer un horaire et un jour donc une coupure avec le rythme du quotidien. L’assise en groupe constitue également une motivation pour débuter, et pour continuer ...

Le souffle interne s’exprime en chacun de nous par le rythme.
Découvrir puis "chevaucher" cette onde c’est se "rapprocher-de-l’origine-des-manifestations".

Philippe Thiriot

[1] Sous le terme "taoïste" se cache deux notions assez distinctes. La plus ancienne se rapporte à une attitude qui suppose que toute intervention intentionnelle allant à l’encontre du "flux" pourrait nous écarter de la voie naturelle (Tao ou Dao). La plus récente (vers le IV° siècle) est une sorte de religion, très codifiée, avec une multitude de rites, d’incantations, de dieux-démons qui se rapproche par certains aspects du bouddhisme.

[2] J’ai eu l’occasion d’aborder des méthodes de méditation plus "techniques" mais elles ont toujours l’inconvénient de crisper le mental à un moment ou un autre (genre : petit grain de riz noir placé au centre ou toutes autres techniques abondamment décrites et illustrées dans les livres). Trop de complexité n’apporte, à mon avis, pas autre chose qu’une épaisse couche de mystère non propice à la méditation. On pourra s’y intéresser plus tard quand on aura une vraie expérience de la simplicité.

[3] Jing Zuo se traduit aussi par "assis immobile".

[4] Dans les cours hebdomadaires, dès la première année, des exercices d’écoute permettent de faire connaissance avec ce type de perception.

[5] S’agit-il ici du "mouvement régénérateur" très en vogue au Japon dans les années 1960 transmis par Maître Haruchika Noguchi ? S’agit-il ici de la perception des mouvements naturels du liquide céphalo-rachidien remis au goût du jour à la fin du XIX° siècle par le médecin Américain Andrew-Taylor Still considéré comme le fondateur de l’ostéopathie ? S’agit-il de ce que les Chinois nomment depuis toujours la "respiration embryonnaire" même si ce terme est surtout utilisé pour désigner une technique respiratoire "alchimique" (inspirer beaucoup, expirer peu ou ne plus respirer du tout !!!) ? Serait-il possible que ces descriptions ne concernent qu’une seule et même manifestation ? S’agit-il de toute autre chose ???
Bien présomptueux qui pourrait répondre sans émettre de doute. Toutes ces questions ouvrent des champs d’observations immenses et extrêmement intéressants mais les réponses n’amélioreront pas la qualité de la méditation :-).

[6] Confucius rendant visite à Lao Tseu le surprend dans une immobilité totale qui n’avait plus rien d’humain. "Je ne sais si je dois en croire mes yeux mais vous sembliez vous tenir dans une solitude absolue". "J’avais rejoint, lui dit Lao Tzeu, l’origine des phénomènes". "Que voulez-vous dire par là ?" questionna Confucius. Tchouang Tzeu (Zhuang Zi) chapitre XXI.

[7] Si les ondulations ne sont pas clairement identifiables, si vous avez un doute sur votre perception du mouvement interne, c’est que vous êtes probablement dans une recherche mentale : revenir à la phase précédente "assis-calme et immobile".